30/05/2015
"Les poètes" de Christian Saint Paul sur Radio occitanie, invité : Marc Tison
Un poète à découvrir, vraiment ! Marc Tison, publié dans le numéro 50, parle aussi avec Christian Saint-Paul de Nouveaux Délits et du travail poétique et militant de Cathy Garcia, MERCI à eux (et aussi du recueil Rester debout sur le trottoir de Murièle Modély !) :
http://les-poetes.fr/son/son%20emision/2015/marc%20tison....
Marc Tison qui organise aussi :
Samedi 27 à partir 19h : apéro textes / Red Bind http://www.kedzior-friedman.org/ / Courts métrages / Charles Pennequin http://www.charles-pennequin.com/
Repas et buvettes sur place
Dimanche 28 de 9h30 / 18h : Petite randonnée contée http://www.chergui.org/wp/
Fanfare les belles gambettes http://www.pistilcircus.com/orchestres/fanfare-des-belles... /
Lectures et rencontres d'auteurs : Pierre Domenges http://pierredomenges.com/
Gilles Bouly
http://www.expolibre.com/serigrap/bouly/bouly-p.htm
Cathy Garcia http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/
Francis Delabre /
Yanis Youloutas http://youlountas.net/
Concert Strange Enquête http://www.strang...eenquete.fr/
Installations plastiques / animations sur la place du village.
Invités (stands librairies / animation slam Babel Tchap...)
Buvette et restaurations.
Le cardinal Saliège disait en mars 1944 qu'il fallait "travailler comme si tout dépendait de nous, et il poursuivait : De quoi sera fait demain ? De nos actes". Plus tard, en décembre 1945 , il aura cette phrase : "Prudence, que de lâchetés on commet en ton nom !"
La poésie est un art de faire, la poésie est acte. A lire les poètes cités dans l'émission du jeudi 21 mai consacrée en majeure partie à Marc TISON, il apparaît à l'évidence que tous, dans leurs actes, s'éloignent de la lâcheté par prudence. Pourtant notre époque, s'accorde à la crainte de notre courageux cardinal qui s'interrogeait déjà en octobre 1944 :" Ôte-toi de là que je m'y mette. Est-ce que la haine ne serait que la forme, le jaillissement des appétits ?"
Vous pouvez écouter l'émission Marc TISON en cliquant sur :
http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html
Le compte(rendu de l'émission :
***
Cathy GARCIA poursuit don beau chemin et a fait paraître les n° 50 et 51 de sa revue "Nouveaux Délits Revue de poésie vive". (Le n° 6 €, abonnement 28 €, chèque à adresser à Association Nouveaux Délits, Létou, 46330 Saint Cirq-Lapopie.)
Des textes toujours intelligibles, ce qui ne nuit en rien à leur qualité, une relation éditoriale sympathique comme le confirme l'invité de la semaine Marc TISON. Une militante culturelle qui ne ménage pas son dynamisme militant, avec une générosité qui signe sa personnalité. A titre personnel cette artiste revuiste publie aux éditions Gros Textes : "TRANS(e)FUSEES / 80 essais de décollage du réel 1993 - 2013"
"Il y avait au fond de ma valise, un vieux brouillon, une veste d'homme, une bouteille, quelques fantômes et leurs bleus désirs de méharées. C'est de bon cœur que je m'apprêtais à les suivre, hélas, monsieur, en guise de départ, j'entendis pleurer les bombes et je vis l'automne passer sous les rails. Oui Monsieur ! J'ai donc ôté mes souliers et j'ai même ôté mes pieds avant de me glisser , sans rien de plus à dire, sous cet atôme de soupir où vous m'avez trouvée."
Commande Gros Textes, Fontfourane, 05380 Châteauroux-les-Alpes (chéques à l'ordre de Gros Textes, 9 € + 2 € de port).
*
Denis HEUDRE vient de publier :
Bleu naufrage / Elégies de Lampedusa
éditions La Sirène étoilée
48 pages 12€
à commander à :
lasirene.etoilee@orange.fr
Lecture d'extrait.
Jeudi 3 octobre 2013
-un fait divers
-pour à jamais verser du noir
-dans mon bleu
--l’île des lapins
-pays de vaste lumière
-des hommes ont choisi le paradis
-pour enfer
--un bateau de 20 mètres
-pour 500 migrants
--l’horizon effondré
-la mort y a jeté son suaire de sel
--je ne sais rien de toi
-je ne sais pas si tu es un garçon
-je ne sais pas si tu es une fille
-encore moins ton nom
--à ton cercueil blanc
-je te sais enfant
--je sais que ta couleur noire
-assombrit nos âmes de nantis
-je t’appellerai Quinze
-c’est peut-être ton âge
-c’est le numéro sur ton cercueil
--les hommes avec toi
-voyaient les femmes d’ici
-avec des baisers de coquelicot
--s'ils pensaient réussir à apprivoiser
-le cristal et l’acier de notre histoire
-ils ont cru aux mensonges des miroitements
-et au bleu de ce qu’on raconte
--la mer d’ici n’a que faire de toi déjà oublié
-moi je t’ai donné un nom
-et jamais il ne tournera le dos à ma mémoire
--il nous faudra toujours penser
-à effacer méticuleusement les frontières
*
Murièle MODELY déjà citée dans des émissions précédentes est à lire; avant qu'une émission particulière lui soit consacrée, lecture d'extraits de "Rester debout au milieu du trottoir" Contre Ciel éditeur 12 €.
Extraits d'un recueil précédent : "Je te vois" éditions du Cygne, 13 € :
mordre
le vide mordre
laisser tous
les indispensables
biens de consommation
finir
dans la gorge
dans le creux du pantalon
vomir pour se remplir encore
*
Christian Saint-Paul accueille son invité : Marc TISON.
Il se présente aux auditeurs :
1956 : Né entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.
1969 : Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute de John Coltrane et des Stooges.
1971 : Performe des textes de Jacques Prévert sur les scènes de collège. Premiers écrits.
1977 : L’engagement esthétique est politique. Punk et free. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues.
1977 – 1992 Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.
1980 : Décide de ne plus envoyer de textes aux revues, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin. Cela jusque 1998 où Il jette tout et s’interroge sur un effondrement du « moi ». Part alors à l’aventure analytique.
2000 : Déménage dans le sud ouest. Rend sa poésie de nouveau publique.
Engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué multiples jobs : chauffeur poids-lourd, concepteur- rédacteur publicitaire, directeur d’équipement culturel…. Il s’est spécialisé dans la gestion de projet de l’univers des musiques d’aujourd’hui. A élargi depuis son champ d’action à la gestion et l’accompagnement de projets culturels et d’artistes.
Programme aussi des évènements liés à l’oralité, la poésie dite, et la « poésie action ».
Ses publications :
1977 - 1980 : Publié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)
2000- 2015 : Publié dans diverses revues (« traction Brabant, Verso, Nouveaux délits, Diérèse,…).
2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».
2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».
2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».
Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».
2014 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».
Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».
2014 : Publications de quinze textes dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.
2015 : Recueil « Les paradoxes du lampadaire + à NY ». édition « contre poésie »
Depuis 2011 : Performances / installations d’action poésie (solo ou duo avec Eric Cartier).
***
L'entretien entre Saint-Paul et Marc TISON est entrecoupé de lecture de textes par l'auteur.
"L’amour, ça ne s’écrit pas / ça s’invente dans les nerfs", clame Marc Tison qui enrage dans l’observation du monde : ‘L’humiliation c’est tellement indolore / à regarder. » Il reste la colère qui « allume de petits phares épandus, mais « pourtant le ciel en feux ça ne suffit / plus. » La poésie de Tison est une poésie de dénonciation. Pour se révolter, donc agir, il faut d’abord affirmer son refus du monde tel qu’il est. C’est le rôle de la poésie que de changer le regard des contemporains sur le monde. Le poète accomplit le dessein de « L’homme révolté » de Camus :" Apparemment négative, puisqu'elle ne crée rien, la révolte est profondément positive, car elle révèle ce qui, en l’homme, est toujours à défendre. » « Il y a tant de révolutions / à faire » écrit Marc Tison dans « l’équilibre est précaire. » La première est celle de la langue. Même s’il utilise le mode de l’harangue, le langage n’est jamais un langage habitué. Les mots sont lavés de leur gangue de routine. Ils voyagent et sont comme les villes que le poète traverse pour en saisir l’éphémère quintessence. Milan, Barcelone, New York, Ostende, Hambourg, etc... la même mésaventure humaine. Et l’univers invite à vivre « notre liberté inaliénable ».
Textes de Marc TISON :
J'engage aujourd’hui 06
janvier 2009 celui qui m'a
volé mes disques le 03
décembre 1975 à me les
ramener au plus vite ou en
faire bon usage surtout le
vinyle pressage 1957 du
« Mulligan meets Monk »
acheté chez un soldeur en
Angleterre en 1974 l’année
de mes 18 ans, disque dont
le poids de matière comme
l’épaisseur de la pochette
cartonnée à la photo en noir
et blanc si heureuse
ajoutaient à la volupté de
l’écoute de sa texture
sonore
*
Extraits de "Les paradoxes du lampadaire suivi de A NY :
A NY j’ai entendu un quatuor d’afro-américains septuagénaires chanter à capella du Doo wop dans un wagon de métro le dimanche matin sur la ligne reliant Harlem
Ils avaient des baskets neuves et deux des casquettes à longue visière
Un avait un chapeau à bords ronds
Et j’ai vu tous les passagers du wagon laisser des billets de 1, 5, ou même 10 dollars dans la petite boite en fer peinte maladroitement en rose et tendue par le plus costaud qui chantait la voix basse.
A NY j’ai croisé des gens pauvres, beaucoup de gens pauvres.
A NY j’ai aperçu des gens riches, beaucoup à « upper east side » .
*
A NY à l’aube laiteuse nous cherchions les enfants somptueux des Fleshtones
Nous en avions perdu la trace dans nos pas insouciants lors de battues sonores et vaniteuses.
Et puis dans ce qui n’est pas encore le matin
A NY j’ai pris
des taxis qui roulaient sur deux rails oranges
la nuit bleue isotrope des lumières des yeux qui te regardent si loin d’où tu es
un trait scintillant jusqu’à l’émoi sonore dans la gorge dans la poitrine qui résonne du mot évadé « monamour ».
A NY j’ai vu un après midi ensoleillé une junky en trithérapie promener son chien et ramasser ses crottes avec un sac plastique fait pour ça
Elle n’a pas vingt cinq ans.
*A NY j’ai vu de mes yeux vu, le ciel si loin - il s’habille des façades - se rapprocher auprès des foules au fond noir des avenues transversales, jonchées des éclats trompeurs de rêves, poussières d’enseignes publicitaires
Clinquantes et insomniaques.
A NY j’ai vu des bibelots désuets
surpris des siècles loin de moi
à l’étal d’une brocante dans un entrepôt gris
les vitrages sécurit des vasistas percés de trous
impacts de balles comme des coups de pioches.
Confusion harmonieuse des esthétiques mémorielles, revint en transparence la vitrine de ce magasin de montres soviétiques à Kotor, et les reflets de la poussière dans le maigre souffle de soleil
Evaporation des pastels et les vendeurs qui souriaient.
*
Extrait de "Manutentions d'humanités "
Pierres
Pierres qui calent mesures d'usines imbriquent des briques de terre de pierres pierres rouges les murs des maisons ouvrières des ouvriers effacés dans le canton de Denain désintégrés statistique sociale troisième page des misères du journal rouge maisons barricades planches aux fenêtres et les murs désertés rouges de pierres s'effritent sans fin recyclées et d'autres écrasées sans fin tapis des sols d'autoroutes sacrifices des os d'anciens locataires sidérurgistes au RMI offerts à la condition de poussières
*
Extraits de "L'équilibre est précaire" :
Suivras tu dans la jungle ses pensées sombres sans fin. Croiras tu voir de l’or dans ses regards perdus.
Rentreras tu dans le corps que tes bras enserrent. Et la joie et la peine pagailles d’émois qui apeurent.
Le chant frotté des mains poignant des chairs, bat l’arythmie haletante des souffles. Moiteurs de suées aux ventres mélangées, et la bite dans le con défiant la mort de baisers.
Il y a tant de révolutions à faire.
Tu seras le désir cette sorte de peine.
*
Un inédit pour l'émission "les poètes" :
Mostar : arrivée comme un road-movie
40° à l’ombre et le ciel bleu
cache les traces de l’enfer
Pelure sèche c’est la terre
Là autour d’un pont
les prêches et les sermons
des pervers religieux ont nourris les canons
Ce jour de soleil
Les imams et curetons
Ferment enfin leurs gueules
Paraît il qu’ils n’ont toujours pas honte
Là au bas d’un pont
Ce jour de soleil
Un Dj hiphop mixe sur une plage de poussière
des jeunes femmes en bikini ondulent
quand des ados fins plongent en frimant
La rivière redevenue bleue
Combien d’assassinats snipers fallait il
Retransmis en direct sur les télés du monde
Un jeu de gloriole
Les morts comme figurants
On filme le poing haineux brandi en vociférant
Le racisme nationaliste fait people
Et dire qu’on promet des unes spectaculaires sur son retour
Alors Mostar : 40° à l’ombre et le ciel bleu
Y revenir
Dans le miroir du présent
Plus jamais ça
Plus jamais ça
Ad lib..
*
Marc TISON une voix témoin de son temps, totalement confondue et en mouvement avec l'art d'aujourd'hui, qu'il est bon de connaître et d' accompagner dans notre énigmatique époque.
Amitiés à ceux qui se reconnaîtront,
fraternité à tous,
Christian Saint-Paul
16:20 Publié dans * LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS * | Lien permanent | Commentaires (0)
04/05/2015
Numéro 51 lu par Christian Saint-Paul
Cathy GARCIA a publié dans le mode original qui est sa signature, le dernier numéro de sa revue : " Nouveaux Délits, Revue de poésie vive " n° 51 , avril, mai, juin 2015, 6 € le volume, abonnement 28 € (4 n°s) à adresser à Association Nouveaux Délits, Létou - 46330 Saint Cirq-Lapopie. De la belle ouvrage comme toujours avec cette artiste qui met en page textes et illustrations, au cordeau dans un dépouillement et un ordre qui sont l'apanage d'une conception militante et fraternelle de l'action poétique. Lecture de "Mots sur les mots du poème" de Michel HOST que l'on retrouve dans cette revue, et dont le texte fait écho à l'édito de Cathy GARCIA du n° 50.
"La question de Cathy Garcia a dès lors toute son acuité : "Que serait le poète sans les mots ... sans ses mots ?" Vendeur de chaussures ou comptable ? Mais voilà, c'est trop facile, ou trop difficile... Je n'ai pas de recette. On pense aux teinturiers qui ravivent et rendent leur grand teint aux tissus passés. On pense aux mots changés qui changent le discours, aux discours déplacés du soi vers l'autre ou l'ailleurs... A des allées et venues entre le nombril du diseur de mots et l'univers, avec les mots pour le dire. Offrir de nouvelles nourritures aux mots fatigués ? Leur rendre la santé. Ouvrir les portes et les fenêtres."
(Ré)-écoutez en ligne sur Radio Occitania toutes les émissions de Christian Saint-Paul, toujours très riches en humanité : http://les-poetes.fr
13:02 Publié dans * LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS * | Lien permanent | Commentaires (0)
25/03/2015
Revue Nouveaux Délits, le numéro 51
C’est un numéro qui sent l’anisette, non ? Et pourtant l’été est loin, le printemps encore frileux, faut dire que ce n’est pas jojo l’ambiance, on s’attendrait presque à ne voir fleurir que des rosettes tricolores … La peur est depuis toujours une arme de persuasion massive. Il y a de la confusion, beaucoup de confusion dans l’air en ce moment, de menteries et de récupérations, tellement que ça donne envie de se taire pour ne pas en rajouter, se taire et prendre suffisamment de recul pour être capable de sourire encore à l’inconnu, de lui faire confiance, de lui ouvrir sa porte et l’inviter à boire un café bien noir ou un thé bien à la menthe, ou un coup de rouge bien biodynamique, ou une anisette tiens, pourquoi pas ? Même si l’été n’est pas encore là, que le printemps retient sa sève, sachant que même le vert, ça ne plait pas, au point qu’on lui fout du lisier plein la face à ce pialut* avec ses clochettes et ses fleurettes et toutes ces couleurs éclatantes, prêtes à s’exhiber sans pudeur. Donc, se taire oui, fermer sa bouche et déployer sa plume, car il y a bien « trop de chefs et pas assez d’Indiens », alors déployer sa plume, son art, sa syntaxe, sa différence et l’afficher bien haut, paf dans la cible-ciel, qu’il en pleure de joie pour arroser tout le monde, même les cons qui eux aussi ont la plume haute, la plume au fion.
c.g.
*un pialut est un terme dérivé de l’occitan pelut « poilu » utilisé dans le Quercy (pelut dans le Tarn) depuis les années 70 pour qualifier sans grande sympathie les babos à barbe et cheveux longs et aujourd’hui les néo-ruraux à tendance écolo quel que soit leur degré de pilosité… et sans forcément plus de sympathie.
L'ennemi est con, il croit que c'est nous l'ennemi
alors que c'est lui.
Pierre Desproges
AU SOMMAIRE
Délit de poésie :
Hommage aux Ombres Vives d’Enrico Bertoncini
Blue star de Nicole Barromé
Jean-Louis Llorca
Annabelle Verhaeghe
Sang d’encre (extraits) de Sadoun Nakib
Délit piquant : Épingler les papillons de Louise Sullivan
Délit salant : L’océan par la vitre de Jean-Baptiste Pedini
Délit d’homo bellicus : Les appâts rances de Jean Gédéon
●Mots sur les mots du poème de Michel Host en écho à l’édito du n°50
Résonance : Le mémo d’Amiens de Jean-Louis Rambour, éd. Henry et Pieds nus dans R. de Perrine Le Querrec– Ed. Les Carnets du Dessert de Lune
Délits d’(in)citations fleurissent, fleurissent… Vous trouverez au fond en sortant le bulletin de complicité dans une posture très aguicheuse mais pas encore vulgaire, malgré que ses propositions qui se veulent toujours honnêtes soient contraintes de s’aligner sur la hausse des tarifs postaux.
Illustratrice : Corinne Pluchart
Vit en Bretagne. De mer, de vent et d'ouest.
Parce qu'un jour il y eut rencontre,
fulgurance abrupte,
un temps de vent et de lumière vive.
Traces, signes, empreintes et tout ce qui fait chemin.
Pas de vie ni de sens sans poésie.
http://corinne.pluchart.over-blog.com/
Oui, la vie porte l'absolu et il revient à l'homme de l'incarner ici, qui ne l'atteindra jamais.
Oui, la beauté, la poésie, l'amour, l'éros, la joie, la subversion, l'autonomie, l'indépendance sont des valeurs contemporaines qu'il reste à défendre.
Oui, le but de l'homme est l'amour, toujours plus d'amour. Oui, n'en déplaise aux marchands, aux esthètes, aux cyniques, aux épargnants, aux religieux et aux athées, la vie se conjugue dans la dépense, le don, l'ouverture, l'acceptation, la perte. Ceux qui l'osent ont appris que l'écriture est habitée de sexualité comme le ventre, et qu'il faut s'y enfoncer avec la même ardeur que les consonnes masculines fouaillent la béance des voyelles dans la phrase. C'est au prix de cette conscience-là, et de l'enjeu qu'elle représente, que l'esprit circule entre les lettres et porte le souffle.
Les poètes le savent, les prophètes et les saints : que les mots sont aussi sexuels que le corps des femmes et que le souffle les fécondent s'ils se laissent épouser.
Lorette Nobécou
in La clôture des merveilles: Une vie d'Hildegarde de Bingen
22:54 Publié dans * LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS * | Lien permanent | Commentaires (0)
08/02/2015
Numéro 50 lu par Didier Trumeau
"Je viens d’absorber la demie centaine de la revue de poésie vive et j’ai aimé. J’ai d’abord pensé que c’était un n° spécial poétesses et vu le niveau des dames je me frottais les mains des neurones puis j’ai continué la lecture et donc des poètes qui n’ont pas démérité ont pris la suite et je n’ai rien regretté. La poésie comme la liberté n’a ni sexe, ni couleur, ni appartenance à un quelconque modèle, la poésie c’est une vague qui sans cesse recommence, semblable et différente à la fois. Et puis tes citations qui renvoient sans cesse à l’éternité et à l’universalité de la poésie sont l’illustration parfaite qui complète les superbes dessins de Joaquim Hock. Et toujours la conclusion éclairée de dernière de couve qui clôt ce moment de bonheur partagé. Bravo."
13:34 Publié dans * LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS * | Lien permanent | Commentaires (0)
26/01/2015
Nouveaux délits N°49 (2014) lu par Georges Cathalo
Source : revue Texture
http://revue-texture.fr/lecture-flash-2015.html
Guidée par un instinct très sûr, Cathy Garcia excelle dans l’art du revuiste d’investigation pour dénicher des poètes rares et originaux. Ici, avec Thomas Sohier peu lu mais déjà maître d’une écriture assurée, Patrick Devaux, poète belge dont la poésie s’apparente à celle de Guillevic et Jean-Jacques Dorio dans une écriture « à sauts et à gambades » dans le sillage d’un Montaigne finalement très actuel. Plus surprenants encore, les écrits du jeune Paul Fréval (né en 1978) où l’on devine le penchant prononcé pour une oralité où le poème s’accomplit. Suit encore une expérience d’écriture de poèmes « pour deux voix et deux mains » entre Pascale de Trazegnies et Cathy Garcia dans une originale recherche poétique qui mériterait d’être poursuivie. Enfin, avec Cyril C. Sarot, on se trouve face à quelqu’un qui d’emblée déclare ne pas se considérer comme un écrivain. Précaution bien inutile car les neuf pages ici proposées nous prouvent le contraire. Comme toujours, Cathy Garcia parsème chacun de ses numéros de citations diverses ; cela va d’Anouilh à Werner Lambersy, et de Borgès à Noël Godin l’entarteur. Belle palette éclectique à l’image d’une revuiste de haut-vol.
21:16 Publié dans * LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS * | Lien permanent | Commentaires (0)
28/12/2014
Revue Nouveaux Délits, le numéro 50 !!!
J’ai trop lu de poésie. Combien de fois le mot étoile, le mot lumière, le mot liberté ? Combien de fois l’amour, l’automne et la beauté ? Le souffle, la source et la vérité. Ces mots qui tournent dans une ronde folle, passent de bouche en bouche, de feuille en feuille. Combien de fois le feu et la fumée ? Les mots sont vains. Ce qui reste de la poésie quand on se tait, voilà sans doute, une question qui mériterait d’être posée. Que serait le poète sans les mots ? Un cœur palpitant arraché d’une poitrine, un sexe turgescent, une fontaine au creux d’une ravine ? Un soleil plongeant dans l’obscur des océans ? Que serait le poète sans ses mots, le peintre sans sa peinture ? Voilà ce qui m’intéresse aujourd’hui.
Cg, extrait de À la loupe
Évoquée par Basarab Nicolescu dans Nous, la particule et le monde, l'observation faite par le mathématicien français Jacques Hadamard sur la genèse de la création scientifique n'est pas sans évoquer la genèse de la création poétique. "Les mots, dit-il, sont totalement absents de mon esprit quand je pense réellement". Il est soudainement habité par une intuition sans mots. De son côté, Einstein dit ceci : "Les mots et le langage, écrits ou parlés, ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée". (…) La poésie ne travaille pas dans un champ clos, même si le langage est en lui-même un champ clos indéfini. Que sait-on de l'origine du langage ? Rien. La poésie est d'abord vécue dans une sorte de perception sans forme, silencieuse, mais illuminative. Ce n'est pas un savoir, c'est autre chose, c'est l'intuition donatrice originaire que l'espace de la poésie est infini, sans nom et sans fond, donc bien plus "fondamental" que n'importe quel niveau de réalité. Le paradoxe de la poésie c'est de faire allusion à la transparence de l'infini dans le fini avec-et-contre les mots de la tribu. Le champ de conscience de la poésie, c'est l'infiniment ouvert à l'intérieur de la langue comme un "trou" dans la langue.
Michel Camus
in Transpoétique. La main cachée entre poésie et science
AU SOMMAIRE
Délits de poésie, plein ! Colette Daviles-Estinès, Murielle Compère-Demarcy, Perrin Langda, Olivier Ragasol-Barbey, Marc Tison, Joël Jacquet, Ludovic Micheau, Gauthier Nabavian.
Résonance : La Patagonie de Perrine Le Querrec
Délits d’(in)citations, saupoudrage.
Vous trouverez un bulletin de complicité au fond en sortant, très sociable. Il se multiplie très facilement et adore les nouvelles rencontres.
Illustrateur, l’illustre : Joaquim Hock
Peintre, dessinateur et écrivain wallon est né le Mardi 17 Phalle 101 du calendrier pataphysique (Ste Gallinacée, cocotte) fête suprême quarte. Au-delà de ses illustrations néo-délictueuses, il expose ses œuvres en Pologne, parfois ailleurs, et souvent chez lui. Il est l'auteur du roman L'intrus et du recueil de nouvelles Le grand Borborichon et autres coquecigrues parus aux éditions Durand-Peyroles et, ô miracle, toujours disponibles partout où on les trouve. Il est recommandé de visiter son blog : http://joaquimhock.blogspot.com
Vous trouverez entre les lignes de ce numéro 2015 vœux blancs à remplir de vos souhaits, rêves, désirs, terreaux, listes de courses, demandes en mariage, en divorce, panneaux publicitaires, prières, cacahuètes, couchers de soleil, cures thermales, antidépresseurs, élans solidaires, lancers de poids, coupons gratuits, musiques et utopies en tout genre, à vous d’en faire bon usage !
Il y a sur cette terre des gens qui s'entretuent ;
c'est pas gai, je sais.
Il y a aussi des gens qui s'entrevivent. J'irai les rejoindre.
Jacques Prévert
Je vous salue névrosés !
Parce que vous êtes sensibles dans un monde insensible, n’avez aucune certitude dans un monde pétri de certitudes
Parce que vous ressentez les autres comme si ils étaient vous-mêmes
Parce que vous ressentez l’anxiété du monde et son étroitesse sans fond et sa suffisance
Parce vous refusez de vous laver les mains de toutes les saletés du monde, parce que vous craignez d’être prisonniers des limites du monde
Pour votre peur de l’absurdité de l’existence
Pour votre subtilité à ne pas dire aux autres ce que vous voyez en eux
Pour votre difficulté à gérer les choses pratiques et pour votre pragmatisme à gérer l’inconnu, pour votre réalisme transcendantal et votre manque de réalisme au quotidien
Pour votre sens de l’exclusivité et votre peur de perdre vos amis proches, pour votre créativité et votre capacité à vous extasier
Pour votre inadaptation à « ce qui est » et votre capacité d’adaptation à « ce qui devrait être », pour toutes vos capacités inutilisées
Pour la reconnaissance tardive de la vraie valeur de votre grandeur qui ne permettra jamais l’appréciation de la grandeur de ceux qui viendront après vous
Parce que vous êtes humiliés alors que vous veillez à ne pas humilier les autres, parce que votre pouvoir immense est toujours mis à bas par une force brutale; et pour tout ce que vous êtes capable de deviner, tout ce que vous n’exprimez pas, et tout ce qui est infini en vous
Pour la solitude et l’étrangeté de vos vies
Soyez salués !
Kazimierz Dabrowski(1902 - 1980)
psychologue, psychiatre, physicien, écrivain et poète polonais
Nouveaux Délits - Janvier 2015 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable et correctrice pour ce numéro : Cathy Garcia Illustrateur : Joaquim Hock.
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/
Chacun appelle “idées claires” celles qui sont au même degré
de confusion que les siennes propres.
Marcel Proust
14:30 Publié dans * LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS * | Lien permanent | Commentaires (0)
05/12/2014
REVUE NOUVEAUX DÉLITS, QUÈSACO ?
La revue Nouveaux Délits est née dans le Lot en juillet 2003, bimestrielle jusqu’en janvier 2008, elle sort aujourd'hui 3 numéros par an. C'est une revue de poésie vive, ce qui signifie qu’elle publie beaucoup de poésie contemporaine mais pas seulement. Elle publie aussi d’autres genres de textes, y compris des coups de gueule. C'est une revue sans frontière, incisive, subversive, tendre, grave, légère et qui aime passer de main en main. Chaque numéro a des illustrations originales, réalisées par un artiste. Elle offre une belle place aux écritures marginales, non formatées. Y sont publiés des auteurs du monde entier (en version bilingue pour les auteurs non francophones), aussi bien connus que jamais encore publiés et tout le monde y est accueilli de la même chaleureuse façon.
52 pages agrafées, couverture kraft
imprimée sur papier recyclé, cohérence oblige
elle est entièrement conçue et réalisée à la maison
par Cathy Garcia, poète & artiste
installée dans le Lot depuis 2001.
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En cette fin d'année, pensez-y !
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07/11/2014
Nouveaux Délits numéro 49, la revue du mois par Jacmo
Novembre, c’est… 100ème revue du mois !
NOUVEAUX DÉLITS n° 49
La revue de poésie vive dirigée par Cathy Garcia touche à son numéro 50. Ce qui est un événement pour toute revue. Une raison de la saluer un rien à l’avance. 52 pages, papier recyclé, une couverture kraft, une présentation sobre… voilà qui en fait un trimestriel régulier et pas cher. Et qui se donne les moyens de durer. Nouveaux délits est repérable en particulier par le fait qu’elle soit truffée de citations en bas de page, qui font comme une respiration parallèle avec les textes principaux, un peu comme quand on lit, mais qu’on a en tête une pensée par ailleurs qui se balade et se combine avec le texte lu. Dans le même ordre d’idée, Cathy Garcia n’hésite pas à emprunter aussi une page complète chez un auteur connu, ainsi Sam Shepard pour l’édito ou Fred Vargas pour la quatrième de couverture. Voire une citation de Francis Blanche pour la dernière page. C’est cette liberté et cette ouverture qui font l’intérêt de cette revue originale. Au sommaire : Thomas Sohler, qui s’occupe des éditions Contre-Ciel, écrit dans la note qui est consacrée à chaque auteur : « J’aime la poésie qui prend aux tripes, celle qui va chercher ce qu’on a de plus profond en nous afin de le mettre face à notre conscience. » Il donne une écriture serrée et fervente. La pluie est dans nos vies / L’insecte dans nos veines // J’ai chaussé la pensée de l’imbécile / Et la mémoire du vieux… Ensuite Patrick Devaux qui présente une poésie lapidaire et verticale ouvrir / à nouveau / les volets / de bois // qui / scient / la lumière Jean-Jacques Dorio qui multiplie les références et les citations : Gaston Puel, Garcia Lorca, Octavio Paz, Borges… un peu comme ce que je disais à propos de la revue, en abyme. Paul Fréval ensuite, qui enregistre et retranscrit, ce qu’il appelle « Postpoèse ». Le deuxième exemple est trop répétitif et assommant, mais le premier, autour du rêve, avec deux angles ou deux versions différentes est très réussi. Puis un « poème pour deux voix et deux mains » signé par Pascale de Trazegnies et Cathy Garcia. Il est indiqué qu’il s’agit « d’une sorte de dialogue hypothétique avec une voix imaginaire. Et que la deuxième voix s’incarne et vient se glisser dans un nouveau jeu de miroir »… Chacune garde sa graphie. Cela donne curieusement un texte vif et nerveux à deux niveaux comme stichomythie au théâtre. Enfin Cyril C. Sarot qui donne des réflexions un peu tout azimut, comme dans un journal. Celle-ci : Il y a des mots que je trouve beaux esthétiquement, pour des questions de pure sonorité. Aruspice, anachorète, coquecigrue, picrocholine, épithalame… Une belle note critique de l’animatrice pour clore, et on peut remplir le « bulletin de complicité » !
25 € / 4 n°. Létou – 46330 St-Cirq-Lapopie.
http://www.dechargelarevue.com/revue_du_mois.htm
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29/09/2014
Revue Nouveaux Délits, le numéro 49
Oct. nov. déc. 2014
En guise d’édito :
Le missionnaire européen était assis accroupi avec les Indiens Hurons en grand cercle autour d’un feu de camp. C’était une position à laquelle il n’était pas habitué, et il avait le sentiment qu’elle ne l’aiderait pas à convaincre les Indiens de partager son point de vue. Néanmoins il leur a exposé courageusement l’idée selon laquelle il n’était pas un mais deux. En l’entendant les guerriers ont éclaté de rire et ont commencé à jeter de gros bâtons et de la poussière dans le feu. Un étrange mélange de terreur et de ressentiment a alors envahi le cœur du missionnaire. Lorsque les rires ont cessé, il a poursuivi son exposé. Avec patience, il a expliqué aux sauvages que ce corps fait de chair et de sang qu’ils voyaient assis devant eux n’était qu’une coquille extérieure, et qu’en lui un corps invisible plus petit habitait, qui un jour s’envolerait pour vivre dans les cieux. Les Hurons ont gloussé de plus belle, en se faisant des signes de tête entendus tout en vidant les cendres de leurs pipes en pierre dans le feu crépitant. Le missionnaire avait le sentiment d’être profondément incompris, et était sur le point de se lever pour regagner sa tente, vexé, lorsqu’un vieil homme près de lui l’a arrêté en lui saisissant l’épaule. Il lui a expliqué que tous les guerriers et les chamans présents dans le cercle connaissaient l’existence de ces deux corps et qu’ils avaient également de petits êtres qui vivaient en eux, au cœur de leurs poitrines, et qui s’envolaient eux aussi au moment de la mort. Cette nouvelle a réjoui le missionnaire, et l’a convaincu que les Indiens étaient désormais sur le même chemin spirituel que lui. Avec un zèle renouvelé, il a demandé au vieil homme où, selon son peuple, ces petits êtres intérieurs s’en allaient. Les Hurons ont tous recommencé à rire, et le vieil homme a désigné du doigt la cime d’un énorme cèdre millénaire dont la silhouette se dressait dans la lueur du feu. Il a dit au missionnaire que ces « petits êtres » allaient au sommet de cet arbre puis descendaient dans son tronc et ses branches, où ils vivaient pour l’éternité, et que c’était pour cela qu’il ne pouvait pas l’abattre pour construire sa petite chapelle.
Sam Shepard in Chroniques des jours enfuis
AU SOMMAIRE
Délit de poésie : Thomas Sohier, Patrick Devaux (Belgique) et Jean-Jacques Dorio
Délit de poèse : Paul Fréval
Délit de réponse : Pascale de Trazegnies & Cathy Garcia,
Poème pour deux voix ou deux mains
Délit de suite dans les idées : Cyril C. Sarot, Ces traces laissées dans le sable
Résonances : Chroniques du Diable consolateur de Yann Bourven
Les Délits d’(in)citations sont aux petits coins.
Vous trouverez le bulletin de complicité. Bien-sûr que vous trouverez le bulletin de complicité !!
Illustrateur : Jean-Louis Millet
Les illustrations ont été réalisées par détournements d’œuvres de van Gogh, Rodin, Schiele, Drakkar, van Malderghem, anonymes préhistorique, celte, hopi, internet, cg & jlmi.
Et si vous alliez faire un tour au Musée Improbable ?http://jlmi94.hautetfort.com/
Mon tragique à moi, c'est la vie quotidienne : la muflerie, la stupidité, le comportement de l'homme moyen, une sorte de méchanceté uniforme et institutionnelle.
Francis Blanche
Fred Vargas - Nous y voilà, nous y sommes (2007)
Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.
Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.
Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout du monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusé.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.
Franchement on s’est marré. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.
Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie. « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi.
Évidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.
D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance. Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, - attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille - récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).
S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y.
Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie - une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être. A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution. A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.
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24/03/2014
Nouveaux Délits Numéro 48
Avril-Mai-Juin 2014
Éclosion presque tardive pour ce numéro de printemps, pour cause de grand remue-ménage. C’est la vie comme on dit, avec ses accidents, ses dégringolades, mais on ne peut qu’aller de l’avant vu que la marche arrière n’existe pas… Et tant mieux, notre temps est trop court, même si « le temps des hommes est de l’éternité pliée » (Cocteau). Pas grand-chose à dire du coup, mais des mots vous en avez plein la revue déjà et l’Amour demeure, quoiqu’il arrive, tel le ciel derrière les nuages.
CG
Chacun contient en lui des galaxies de rêves et de fantasmes, des élans inassouvis de désirs et d'amours, des abîmes de malheur, des immensités d'indifférence glacée, des embrasements d'astre en feu, des déferlements de haine, des égarements débiles, des éclairs de lucidité, des orages déments....
Edgar Morin
in Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur
AU SOMMAIRE
Délit de poésie : Élisa Parre, Cécile Coulon, Hamid Tibouchi, Rodrigue Lavallé
Délit de vagabondage : Sylvère Moulanier (Québec)
Délits d’(in)citations au renouvellement des pensées, c’est le printemps !
Bulletin de complicité toujours frais et dispo au fond en sortant.
Illustratrice : Cathy Garcia
Gribouglypheuse, elle s’adonne à l’art vénal = œuvres à vendre :
http://ledecompresseuratelierpictopoetiquedecathygarcia.hautetfort.com/
Le génie n'est que le chant du rouge-gorge
à l'aube d'un printemps indolent.
Khalil Gibran
Douce musique, si douce, mais la berceuse ricoche, crible le cœur.
La folie est à quelques cellules à peine, trois fois rien.
Le refuge du placard est vain.
Traquée, détraquée. Ça me hurle.
Ma lèvre tremble, le ciel est tombé en cataracte de verre. En granit fracassé à la mer.
Tant de pêcheurs encombrent la rive et le soleil veut sa part de crème géologique.
Je glisse, toboggan, vers l’abime entraperçu sous la couture des océans.
(…)
Patience, mon âme. Tu veux fendre muselière, je te parle sagaie, flèche, rasoir.
Obscure arborescence dissimulée dans le filet.
Je flotte dans le corps, bascule les câbles. Étrange toupie, coque scindée.
Déroulée la houle, découpée la coupe, démolis les mots.
Nous cumulons les éternités comme un enfant empile ses cubes.
Mais dans le chiffon de l’univers, la mort serait-elle un trou de ver ?
Fugitive de Cathy Garcia, maintenant disponible chez Cardère éditeur
Illustrations originales de l’auteur, 64 pages, 12 €
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